Un rapport du Minderoo Centre for Technology & Democracy, dirigé par Clémentine Collet, met en lumière une inquiétude marquée parmi les romanciers britanniques face aux intelligences génératives. La majorité des auteurs interrogés estime que leurs textes ont servi à l'entraînement sans accord, constate une érosion des revenus et réclame des garde‑fous pour protéger la création littéraire.
Contexte de l'étude et principaux résultats
L'enquête, conduite dans le cadre du projet BRAID en collaboration avec un institut sur les futurs métiers, a sondé 332 professionnels du livre entre février et mai 2025. Parmi eux figurent des romanciers publiés, des agents littéraires et des spécialistes de l'édition. Les chiffres clés relevés sont nets : 51 % des romanciers publiés estiment qu'une intelligence générative pourrait finir par les remplacer complètement ; 59 % déclarent que leurs œuvres ont été utilisées à des fins d'entraînement sans autorisation ; 39 % constatent déjà une baisse de revenus et 85 % redoutent une chute future.
Quels genres sont les plus exposés et comment le marché réagit
Le rapport signale que les genres à structure formelle sont perçus comme particulièrement vulnérables. Les auteurs de romance, de thriller et de polar se déclarent les plus menacés (respectivement 66 %, 61 % et 60 %). Cette sensibilité s'inscrit dans un contexte où des plateformes de publication à bas coût, notamment Kindle Direct Publishing (KDP) d'Amazon, voient affluer des œuvres massivement générées, au risque de surabonder le marché avec des produits à faible valeur éditoriale.
Sur le terrain, les chercheurs ont relevé plusieurs phénomènes inquiétants pour la chaîne du livre : publication d'œuvres générées sous le nom d'auteurs, multiplication d'avis automatisés altérant les notes, et dispersion des lecteurs face à une offre volumineuse et hétérogène. Certains responsables de maisons indépendantes annoncent déjà des labels « AI‑free » pour garantir l'origine humaine des textes.
Usages acceptés, refus catégorique et demandes des auteurs
Les romanciers montrent une position contrastée vis‑à‑vis de la technologie : 80 % reconnaissent une utilité sociale à l'intelligence artificielle, mais 97 % refusent qu'elle écrive un roman entier. Les usages jugés acceptables incluent la vérification factuelle, la correction grammaticale et l'aide administrative. En revanche, les étapes de création centrale (montage narratif, construction d'un univers, travail de style) sont massivement rejetées.
Sur la question des droits, 86 % des répondants souhaitent interdire l'entraînement des modèles sur leurs œuvres sans consentement préalable. Une large part préfère une gestion collective des licences d'entraînement (48 %). Par ailleurs, si un modèle « d'autorisation par défaut avec exclusion possible » était proposé, 93 % affirment qu'ils choisiraient d'être exclus.
Enjeux culturels et éducatifs
Au‑delà des revenus et des droits, le rapport soulève un risque d'appauvrissement culturel. Les auteurs interrogés estiment que l'intrusion de contenus générés en masse pourrait fragiliser la place du roman comme outil d'exploration des expériences humaines. Le document souligne aussi un état des pratiques de lecture préoccupant chez les jeunes : seulement 33 % des enfants déclarent lire pour le plaisir, ce qui interroge la capacité des nouvelles générations à distinguer et à valoriser la création humaine.
Ce qui reste à confirmer
Le rapport expose des tendances et des perceptions fortes, mais plusieurs éléments dépendront des décisions politiques et industrielles à venir : modalités précises d'une licence collective, cadre légal sur l'entraînement des modèles, et effets concrets des labels « AI‑free » sur le marché. L'ampleur future de la baisse des revenus des auteurs dépendra aussi des choix des plateformes et des pratiques de consommation.
À retenir
- Plus de la moitié des romanciers britanniques sondés craignent d'être un jour remplacés par des intelligences génératives.
- Des problèmes concrets sont déjà observés : utilisation non autorisée de textes pour l'entraînement, baisse de revenus et prolifération d'œuvres générées.
- Les auteurs acceptent l'IA pour des tâches utilitaires, mais rejettent son rôle dans la création narrative et stylistique.
- Une large majorité réclame l'interdiction de l'entraînement sans consentement et privilégie une gestion collective des licences.
- Sans régulation et politiques de soutien, le marché pourrait privilégier le moins cher au détriment de la diversité et de la qualité littéraire.
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